" Le voisin est un animal nuisible assez proche de l'homme. " disait Pierre Desproges.
Et comme il avait raison le cher homme ! Voyez plutôt  : Il fait grand bleu, grand beau. Les acacias embaument l'air. Sur le bassin, les nymphéas peignent un Monet. Les iris, les géraniums vivaces et les violas ponctuent les massifs de leurs touches bleues, roses et mauves, le moment est idyllique, vous vous dites " Je vais déjeuner sur la terrasse !"
Un joli bout de nappe, un couvert de qualité, des légumes du jardin, un peu de bon vin....c'est justement lorsque l'on est seul qu'il faut soigner l'ambiance.
    
Mais à peine avez vous effleuré de vos lèvres la première feuille de salade qu'un enfer d'explosions se déchaîne au-dela des murs : le voisin a décidé de tondre son miteux carré d'herbes. Maintenant, à midi trente cinq ! Il est des tondeuses électriques, plutôt silencieuses, des tondeuses thermiques modernes, relativement peu bruyantes, mais celle du voisin est un modèle ancien, mal entretenu de surcroît. C'est dans les hurlements du moteur à haut régime pour éviter qu'il ne cale, et dans les vapeurs nauséabondes des gaz d'échappement, que vous tentez de déjeuner !
Très vite vous rapatriez votre assiette et votre verre dans la maison, vous fermez portes et fenêtres, en priant pour que la machine infernale explose et rende l'âme définitivement. Repas terminé, vaisselle lavée et rangée, vous sortez en tendant l'oreille....Rien, silence. Le malotru a terminé d'exterminer les coccinelles et de massacrer les abeilles, en vous ravageant les oreilles et les narines par la même occasion. L'heure du voisin n'est pas la vôtre, c'est tout.
Il en va de même pour la musique. Celle qu'il aime n'est pas celle que vous écoutez. C'est son droit. Sauf, qu'il tient à ce que tout le quartier à trois cents mètres à la ronde profite du son haché par le rythme de percussions ravageuses d'une installation démesurée qu'il a installé au bord de sa piscine. 
Car le voisin a une piscine. " Pour les enfants" dit-il comme pour s'excuser.
Car le voisin a des enfants. Trois, en bas âge, ou à l'âge ingrats. De toute façon, mal élevés, sans gêne, poussant des cris, des vociférations, des hurlements. " Faut bien qu'ils jouent " En envoyant de toutes leurs forces le ballon dans le portail métallique qui sert de but et qui résonne comme un gong fêlé à chaque coup de boutoir. 
Le voisin a aussi un chien, animal qui essaie de couvrir de ses barrissements les cris des enfants et les vociférations du père qui tente vainement de ramener un peu de calme dans sa smala. Animal stupide qui, n'étant pas dressé, aboie, glapit, hurle, chaque fois que quelque chose ou quelqu'un passe dans son champ de vision, fût-ce un moustique.
 
Un jour miraculeux, vous voyez un camion de déménagement devant le portail du voisin. Insidieusement, vous vous glissez jusque là : " Alors, voisin, vous nous quittez ? " demandez vous plein d'espoir, l'air faussement attristé. " Non, non, on est trop bien ici. C'est mon beau-frère ! Ce salaud a viré ma soeur de la maison, avec les quatre gosses. On va les héberger. La maison est assez grande, on va se serrer un peu !"
 
Il n'y a pas de fête des voisins dans votre quartier. Et c'est heureux ! Vous pourriez être tenté de mettre de la mort-aux-rats dans la tarte aux pommes !